Dr Bruce Freeman, directeur de l’expérience patient, dentalcorp
Aujourd’hui, on souligne la Journée mondiale de la santé mentale et, dans des circonstances normales, il ne s’agirait pour la plupart que d’un samedi comme un autre. Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, chaque année, une personne sur cinq souffre d’une maladie mentale ou éprouve un problème de santé mentale. De nouvelles recherches révèleront sans doute que dans le contexte actuel, ce nombre s’est décuplé.
J’ai beaucoup réfléchi sur le rapport entre le bien-être et notre profession ainsi que sur la façon dont ils sont inextricablement liés, encore que ce ne soit pas de la plus évidente des manières. Il a été bien établi que la santé de la bouche est en lien direct avec la santé globale. Des recherches récentes ont même montré que les rendez-vous thérapeutiques réguliers ont une incidence positive sur le déclin cognitif associé à la maladie d’Alzheimer. Nous nous efforçons en tant que professionnels de la santé buccodentaire de préserver cette dernière et l’état de santé général de nos patients. Cependant, nous perdons souvent de vue les possibilités que nous avons d’accroître notre influence sur la santé émotionnelle des patients.
Lorsque ceux-ci se présentent à nous pour une première fois, cet instant marque souvent le commencement d’une relation durable, fondée sur l’empathie et la compassion. Il est tentant de penser que ce qui est important, c’est ce que nous accomplissons en tant que praticiens. Mais au bout du compte, ce qui nous permet d’offrir la meilleure expérience à nos patients réside dans la façon dont nous faisons notre travail et dans le fait que nous nous préoccupons vraiment des raisons pour lesquelles ils viennent nous voir.
Nous devons toujours nous rappeler de revenir aux principes de base et être attentifs aux mots et au ton que nous employons avec tous les patients que nous soignons. Une partie fondamentale de notre travail en tant que fournisseurs de soins de santé consiste à écouter d’une oreille attentive ce que nos patients ont à dire et à s’intéresser à ce qu’ils ressentent. Lorsque je rencontre un patient pour la première fois, je l’aborde toujours en lui disant « Pourquoi êtes-vous venu me voir aujourd’hui? » Je demande alors à entendre son histoire. La Dre Annie Brewster, une praticienne ayant son propre parcours dans l’univers des soins de santé puisqu’elle est aux prises avec la sclérose en plaques, a déclaré que « les histoires recèlent un pouvoir de guérison, tant pour la personne qui la raconte que pour celle qui l’écoute ». La recherche appuie son affirmation selon laquelle le fait de raconter son histoire contribue à améliorer sa santé mentale.
En outre, une communication basée sur la bienveillance et la compassion peut avoir une incidence positive sur la réceptivité des patients à nos conseils. Une étude a permis de constater que les patients sont deux fois plus susceptibles de suivre les recommandations des professionnels lorsque ceux-ci ont une bonne communication avec eux. À l’inverse, une étude sur l’observance médicamenteuse a révélé que le risque que cette dernière fasse défaut était six fois plus élevé lorsque les problèmes psychosociaux du patient n’étaient pas pris en compte.
En tant qu’orthodontiste, je vois souvent des patients dans la phase de maintien du traitement pendant des années, bien au-delà de ce qui est nécessaire. Je ne dis jamais à un patient qu’il n’a pas besoin de revenir. Je dis simplement que s’il souhaite fixer un autre rendez-vous, il peut le faire sans hésitation. Que faisons-nous lors de tels rendez-vous? Lorsque je demande à voir l’appareil de rétention des patients, il n’est pas rare qu’ils me disent que tout va bien, de ne pas m’en faire, que leur appareil est parfaitement ajusté. Néanmoins, il arrive souvent qu’ils ne l’aient même pas apporté. Nous passons alors aux véritables raisons de leur visite, soit l’envie de bavarder, de parler de leur vie ou de raconter des histoires.
Les rapports humains peuvent être aussi thérapeutiques que la médecine. Stephen Porges, le créateur de la théorie polyvagale, a déclaré que « les rapports humains sont un impératif biologique. Ils sont assortis d’un mécanisme neurobiologique qui permet de relier le comportement social et la santé, tant mentale que physique ». Le contact humain permet de libérer de l’ocytocine, puissante hormone, qui favorise le sentiment de sécurité et la capacité d’être bien disposé à l’égard d’autrui. Cette hormone permet en outre de diminuer la peur, l’anxiété et l’inflammation, tout en nous aidant à éviter d’avoir une réaction de lutte ou de fuite lorsque ce n’est pas dans notre intérêt. La célèbre Harvard Study Of Adult Development [Étude sur le développement de l’adulte de l’Université Harvard] a évalué la santé mentale d’un groupe sur une période de 80 ans. Or, cette étude a conclu que, plus encore que la classe sociale, l’argent ou l’ADN, ce sont les relations étroites que nous tissons qui nous permettent d’avancer. J’ai discuté avec de nombreux dentistes et membres d’équipes de ce qui leur manquait le plus depuis leur retraite. Ce sont indiscutablement les relations qu’ils ont eues avec leurs patients qui ont laissé un vide important dans leur vie.
Je vois la dentisterie comme un processus de dépassement et de changement. Certes, nous aidons nos patients à accéder à une santé buccodentaire et un bien-être général optimaux, mais nous les aidons également à surmonter les problèmes médicaux connexes, en plus de les conseiller sur les changements sains qu’ils peuvent apporter à leur mode de vie. En outre, nous aidons ceux qui nous confient leur santé à obtenir des sourires aussi magnifiques que fonctionnels. Nous tissons des liens durables avec nos patients et les aidons à surmonter diverses crises en matière de santé, qui ne relèvent pas toutes de la santé physique. Aujourd’hui, plus que jamais, nous sommes une constante dans la vie de nos patients, soit des personnes vers lesquelles ils peuvent se tourner quelques fois par année pour faire le point, discuter de tout et de rien et, bien sûr, avoir un gentil rappel de l’importance de la soie dentaire.
À propos de l’auteur
Le docteur Bruce Freeman est directeur de l’expérience patient chez dentalcorp. Il aide les dentistes du Canada à obtenir des succès cliniques qui se traduisent par la meilleure expérience possible pour leurs patients.
Il est conférencier international et aborde des sujets tels que l’orthodontie clinique, les douleurs faciales, l’expérience du patient et la planification chirurgicale virtuelle. Il est également codirecteur de l’unité de la douleur faciale de l’hôpital Mount Sinai. De plus, il dirige le Wellness Program for dental residents [Programme de bien-être pour les résidents en dentisterie] de l’Hôpital Mont Sinaï, programme qui vise à mettre en évidence la façon dont les soins personnels entraînent les meilleurs soins aux patients.
Bruce est diplômé avec spécialisation mention de l’Université de Toronto. Il a suivi le programme Advanced Education in General Dentistry [programme d’enseignement supérieur en dentisterie générale] au Eastman Dental Center de Rochester et est retourné à l’Université de Toronto pour obtenir son diplôme en orthodontie et sa maîtrise ès sciences en troubles temporomandibulaires et douleurs orofaciales. Professeur de yoga certifié, il a suivi des formations supplémentaires en techniques de respiration, en méditation et en mouvements tenant compte des traumatismes. Vous pouvez le joindre à l’adresse bruce@drbvf.com.